Le Canada d'Est en Ouest

vendredi, septembre 08, 2006

Les Haïdas, des survivants suite


Les Rocheuses sont loin, le bison encore plus. Je suis dans le royaume du saumon. Le saumon qui remonte les rivières et nourrit aussi l’intérieur des terres. Le mode de vie des Indiens de la côte ouest n’a pas grand chose à voir avec celui des Indiens des plaines. Autant comparer la vie d’un pêcheur norvégien et d’un paysan espagnol. Les Salish, les Haïdas, ou les Kwagiutl n’ont jamais manqué de nourriture. Le poisson est partout. Essentiel comme le cèdre rouge qui pousse sur le littoral. Le western red cedar est le « tree of life » des Indiens de Colombie-Britannique : il sert à construire les maisons, les canoës, les monuments funéraires, à faire des cordes et même des vêtements. Ici, surtout, l’art est en bois. Il s’érige sur des totems à têtes humaines et d’animaux. On peut voir des loups, des ours, des otaries, des grenouilles ou des corbeaux. Chacun raconte une histoire familiale, seule connue de ses membres.

Les totems étaient érigés pendant les potlatches, des cérémonies dont le rôle était autant légal que social et économique. Le potlatch, c’est la « cour suprême » des Haïdas, selon les mots de l’artiste Robert Davidson. C’est un forum où l’on établit des lois, où l’on transfère aussi bien les propriétés que les chansons familiales, où les noms, titres et privilèges sont passés aux héritiers. Dans le passé, quand les familles étaient riches, la cérémonie pouvait durer des semaines. Des semaines à régaler les invités.

Une fête de sauvages pour les colons européens. Le gouvernement canadien a interdit le potlatch en 1884. Le potlatch ban dure jusqu’en 1951, obligeant les Natives à se cacher, forçant des artistes à la clandestinité. En anglais, on appelle cette période « the silent years ». Quand la législation et le zèle des missionnaires chrétiens tendaient vers un seul but : l’assimilation des Autochtones. Comme pour le grand-père de Maria, Indien cree des plaines, des milliers d’enfants haïdas ont été séparés de leurs familles et placés dans des écoles résidentielles entre 1870 et 1984.

La culture haïda a survécu malgré tout. Grâce à des artistes tels que Mungo Martin. A 70 ans, chef Nakapankam, artiste multicarte de Fort Rupert, a pu reprendre au grand jour sa carrière d’artiste après être devenu pêcheur. C’est à lui que le musée universitaire a fait appel pour restorer des totems en 1949. Aujourd’hui, la culture des Première Nations est un motif de fierté, plus de honte. Aujourd’hui aussi, les potlatches ne sont plus clandestins, mais ils ne durent guère plus d’un week-end. Comme une grosse party.