Le Canada d'Est en Ouest

dimanche, octobre 01, 2006

Sur les traces de Gabrielle Roy à Saint-Boniface


Dans le livre dont je suis l’héroïne, je ne reviens pas tout à fait sur mes pas. J’en fais d’autres. Comme la maison où est née Gabrielle Roy. Rue Deschambault, une rue et le titre d’un de ses livres. L’écrivaine franco-manitobaine est née à Saint-Boniface en 1909, quand le quartier était une petite ville francophone. Son père, Léon, avait quitté la rive sud de Québec pour s’installer comme cultivateur dans le Manitoba. Un colon parmi beaucoup d’autres, attiré par des terres pas chères. L’agriculture ne lui réussit pas vraiment, ni le commerce. En 1899, il devient inspecteur des colonies pour le compte du gouvernement. Il facilite l’installation de colons québécois, franco-américains, belges, suisses et français, de Russes et de Slaves aussi. Beaucoup de noyaux francophones qui survivent encore aujourd’hui dans l’Ouest du Canada datent de cette période.

Mais Léon Roy, Libéral militant, perd son emploi quand les Conservateurs passent au pouvoir. Gabrielle grandit dans la deuxième décennie du 20e siècle, dans une période de vaches maigres pour la famille Roy. Francophone et au chômage, ce n’est pas vraiment byzance.

« Quand donc ai-je pris conscience pour la première fois que j’étais, dans mon pays, d’une espèce destinée à être traitée en inférieure ? », écrit Gabrielle Roy dans son autobiographie La détresse et l’enchantement. Je plonge dans une autre époque, celle où Gabrielle Roy et sa mère franchissaient le pont Provencher, au-dessus de la rivière Rouge, « laissant derrière (elles leur) petite ville française pour entrer dans Winnipeg, la capitale, qui jamais ne (les) reçut tout à fait autrement qu’en étrangères ».

Winnipeg a avalé Saint-Boniface au début des années 1980. L’ancien quartier « français » est plus mélangé aujourd’hui. « C’est encore francophone, mais on a des tas de restaurants tenus par des anglophones qui ne parlent parfois pas un mot de français », me dit Claudette Dumas, guide bénévole dans la maison natale de l’écrivaine.